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Depuis les années 1950, sur 72 dirigeants arabes (monarques, présidents et chefs révolutionnaires), seulement 3 ont quitté le pouvoir de leur propre gré.

Par Samir Messali

En quelques secondes, l'image a fait le tour du monde: le président Abdelaziz Bouteflika sur une chaise roulante votant pour sa propre succession et un 4e mandat à la tête de l'Algérie.

Quelques semaines auparavant, on avait eu droit à une autre image, encore plus choquante, où Bouteflika prononçait, avec beaucoup de difficulté, à peine quelques mots, pour annoncer qu'il se présentait aux élections présidentielles.

Encore un dirigeant arabe qui s'attache au pouvoir jusqu'à dernier souffle au risque de mettre en péril la stabilité et la sécurité de son pays.

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L'Egyptien Anouar Sadate assassiné en 1980 par des islamistes infiltrés dans l'armée.  

Beaucoup d'Algériens considèrent, certes, que Bouteflika a réussi ses 3 précédents mandats en assurant surtout une issue avec les moindres dégâts à la guerre civile qui sévissait dans son pays et en faisant profiter les Algériens de la manne pétrolière. Mais ce bilan, comme hier celui de Bourguiba, reste inachevé s'il n'arrive pas à être couronné par la tâche la plus importante d'un chef d'Etat digne de ce nom, celle d'assurer une transition pacifique et une succession de son propre pouvoir.

Est-ce une fatalité pour les peuples arabes de vivre un période de crainte, d'anxiété et de turbulence à chaque succession à la tête de l'Etat? Pourquoi la succession ne se passe-t-elle pas comme dans les pays démocratiques où la passation du pouvoir est un acte ordinaire, le dirigeant élu prenant les rênes du pouvoir au cours d'une cérémonie solennelle au palais présidentiel? Pourquoi les dirigeants arabes refusent-ils de finir leur règne par une accolade avec leur successeur et de quitter le palais du gouvernement à pied, sous les applaudissements de leur peuple.

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L'Irakien Saddam Husseïn arrêté par des rebelles avant d'être jugé, condamné à mort et pendu en 2003.

Cet attachement maladif au pouvoir est un phénomène bien arabe et les statistiques le montrent très clairement. Ainsi donc, dans 17 pays arabes recensés, sans tenir compte du Liban où le régime politique est assez complexe, depuis les années 1950 et l'avènement des nouveaux Etats indépendants, sur 72 dirigeants (monarques, présidents et chefs révolutionnaires), seulement 3 ont quitté le pouvoir de leur propre gré. Il s'agit du président algérien Liamine Zeroual, du colonel mauritanien Ali Oueld Mohamed Fall et de l'émir du Qatar Hamad Bin Khalifa Al Thani, qui a cédé le pouvoir à son fils de son vivant.

Parmi les 69 autres, 6 ont été assassinés, 14 sont décédés au pouvoir, 32 ont été destitués à la suite d'un coup d'Etat ou d'une révolte populaire et les 17 autres continuent de régner. Jusqu'à quand ?

En ce qui concerne longévité au pouvoir, la durée de règne moyenne de ceux qui ont été très rapidement évincés par un coup d'Etat ne dépasse guère 2 ans et demi. Quant à ceux qui ont su assurer une certaine stabilité dans leur pays, la durée moyenne de leur règne est de 21 ans, sans tenir compte de ceux qui sont encore au pouvoir et dont le compteur tourne encore, notamment Omar Hassan Al Bachir, au pouvoir depuis 25 ans au Soudan, ou le Sultan Kabous d'Oman, en place depuis 44 ans.

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Le Libyen Mouammar Kadhafi tué par des rebelles en 2011.

L'autre triste réalité du pouvoir dans le monde arabe: les pays soumis à la dictature sont souvent économiquement sous-développés. Et ce constat est valable aussi pour les riches pays exportateurs du pétrole. L'allégeance au chef suprême et la proximité avec le pouvoir étant toujours le chemin le plus court pour les privilèges économiques et l'enrichissement facile et rapide.

Le pouvoir dans notre région continue donc à présenter un tel attrait qu'il pousse encore les dirigeants à s'y attacher de plus en plus. Mais l'espoir d'un changement démocratique est toujours permis avec l'avènement d'une jeunesse cultivée et ouverte sur le monde démocratique grâce aux moyens de communication de masse.