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Lettre ouverte aux hommes politiques de l'opposition tunisiennes et à tous ceux qui veulent dégager les islamistes et la Troïka, et hésitent encore à franchir le pas : «Et le patriotisme, bordel!»

Par Rachid Barnat

Il ne se passe pas une semaine sur les réseaux sociaux et dans la presse où l'on ne lit que ce qui se passe actuellement en Tunisie est l'effet d'une volonté des Etats Unis, qui soutiendraient les islamistes dans un vaste plan de réorganisation géopolitique de la région, et tentent de les imposer à l'opposition tunisienne malgré un rejet d'une immense majorité des Tunisiens.

Que la Tunisie, comme tous les pays, soit soumise aux évolutions de la géopolitique, c'est évident ! Mais cela ne saurait être une excuse pour tout accepter et baisser les bras sous prétexte que la politique du pays se ferait ailleurs!

Si ces forces existent, et je pense non seulement aux Etats-Unis mais aussi au Qatar et à d'autres encore comme l'Union Européenne, elles ont certes un pouvoir de nuisance en aidant, notamment financièrement, les islamistes mais elles ne peuvent avoir d'influence sur la volonté du peuple et sur l'opposition si celle-ci était composée de véritables hommes d'Etat.
Si l'opposition était forte, convaincue et déterminée, elle pourrait tenir tête et fermement à tous ceux qui veulent l'entrainer vers une acceptation contre-nature des Frères musulmans pour composer avec eux ou leur imposer de gouverner avec eux.

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Caïd Essebsi, le bourguibiste, et Néjib Chebbi le socio-démocrate: que peuvent-ils faire en dehors des palabres?

Haro sur les «conseilleurs étrangers»

Aux conseilleurs étrangers qui, comme chacun sait, ne sont pas les payeurs, et ne sont pas à une contradiction près quand ils soutiennent la légitimité des Frères musulmans d'Egypte et, dans le même temps, l'illégitimité des Frères musulmans nahdhaouis, méprisant dans les deux cas la légitimité des peuples, l'opposition devrait dire ceci, avec calme mais avec fermeté: «Quoi que vous vouliez, quels que soient vos plans, nous n'accepterons jamais que les islamistes gardent le pouvoir dans ce pays. Les Tunisiens dans leur majorité et à maintes reprises leur demandent, et ne cessent de le faire, de dégager pour des raisons que vous n'ignorez pas: ils ont perdu toutes les légitimités, dont la première, la légitimité électorale, finie depuis le 23 octobre 2012! Vous estimez que l'on peut traiter avec des islamistes dont vous feignez de croire qu'ils sont modérés, mais nous, nous savons ce qu'il en est. Et vos chancelleries aussi! Nous savons que ces gens se présentent comme modérés pour vous tromper et pour nous tromper. Nous savons que l'instrumentalisation de la religion par un parti politique ne peut conduire qu'à la division du pays et donc à des difficultés pour le gérer. Nous savons que tôt ou tard, lorsqu'ils seront en difficulté, ces partis religieux, ''modérés'' comme vous dites, utiliseront la force, la violence et le terrorisme pour se maintenir au pouvoir. Car leur histoire et leur culture ne sont que violence et terrorisme! En conséquence nous n'acceptons pas votre plan et nous y résisterons par tous les moyens»!

Pour cela encore faut-il que les hommes politiques aient le patriotisme chevillé au corps. D'autant que l'immense majorité des Tunisiens rejettent les Frères musulmans et leurs alliées salafistes, «enfants» de Ghannouchi, qui constituent, comme les Tunisiens le découvrent, «d'événements en événement», leur bras armé!

L'appui du peuple et de la société civile sont une carte importante qui doit conforter l'homme d'Etat face aux «conseillers» étrangers... qui, chacun sait, n'œuvrent et ne conseillent les Tunisiens que dans les intérêts de leurs pays respectifs! Et que pourront faire ces pays devant la volonté d'hommes d'Etat et de leur peuple? Vont-ils envahir la Tunisie, vont-ils la bombarder? Bien sûr que non. Peut être feront-ils un chantage aux financements, aux contrats commerciaux... mais ils n'iront pas pour autant faire la guerre en Tunisie.

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Caïd Essebsi et Hamma Hammami: les bourguibistes et les gauchistes plus que jamais unies... mais impuissants!

Le général Al-Sissi l'a bien fait en Egypte

Les Egyptiens ont dégagé leur nouveau pharaon qui a fini par se croire l'élu de dieu et non du peuple. Les Américains ont beau mettre la pression sur le général Abdel Fatah Al-Sissi... en vain ! Car ils ont trouvé face à eux un homme de conviction, patriote, à l'écoute des Égyptiens et qui a mis les intérêts de l'Egypte au-dessus de tout marchandage et de tout chantage! Une fermeté qui s'est avéré payante puisque les Américains font machine-arrière et retirent leurs menaces!

Un homme d'Etat ne doit jamais céder au chantage et doit mettre l'intérêt de son pays au dessus de toutes autres considérations.

Si vous gagnez, si votre courage et votre détermination triomphent, les pays «conseillers» reviendront et vous aideront... ils finiront bien par s'adapter et réajuster leur position devant un peuple déterminé. Mais, bien sûr, pour tenir ce langage il faut avoir la stature de véritables hommes d'Etat. Y en a-t-il en Tunisie? Je demande à voir.

Je rappelle simplement que le président Bourguiba a été lui aussi soumis à de fortes pressions de la France, et a su tenir tête au Général De Gaulle en personne quand il s'est agi d'évacuer la base militaire de Bizerte, le 15 octobre 1963 ! Il a fait preuve de volonté, de courage, de détermination et surtout de patriotisme. Comme il a su tenir tête aux grands leaders du monde dit «arabo musulman», que ce soit au panarabiste Gamal Abdel Nasser, en disant non à sa vieille lune «pan arabiste»; et au panislamiste, le roi Ibn Saoud, qui se rêvait le nouveau Calife après que son grand-père ait collaboré avec les Anglais au démantèlement de l'empire ottoman et à sa colonisation par les Occidentaux!

Croyez-vous qu'il a été simple de s'opposer à la France lors des événements de Bizerte? Croyez-vous qu'il a été simple de tenir tête à Gamel Abdel Nasser et à tous les chefs «arabes» qui l'ont rejoint dans sa lubie (Iraq, Syrie, Libye, Soudan...)?
Mais Habib Bourguiba était un homme d'Etat, un homme de conviction et il a su tenir tête aux «conseillers» étrangers.

Faire dégager Ghannouchi et la Troïka

Qu'attendent donc les leaders de l'opposition pour tenir un langage ferme au lieu de se noyer dans la demi-mesure, dans le compromis qui frise la compromission?

L'argument du complot international n'est pas recevable et le peuple doit le dire haut et fort!

Comme l'a si bien dit Abou Al-Kacem Chebbi : «Si le peuple veut, il peut»! Il suffit aux hommes de bonne volonté de l'opposition d'être à son écoute.

Enfin si vous nous dîtes que vous ne cédez à la pression d'aucun pays (on aura du mal à vous croire!) et que vous refusez toute ingérence étrangère... alors pourquoi ne pas répondre aux aspirations de tout un peuple qui veut dégager les islamistes et pourquoi cherchez-vous par tous les moyens à neutraliser son action en vous compromettant chaque fois un peu plus à vouloir accorder des «légitimités consensuelles», à dialoguer... alors que vous ne cessez de répéter qu'il n'y a pas de légitimité au-dessus de celle du peuple?!

Béji Caïd Essebsi lui-même se contredit à vouloir palabrer avec des gens qui ont perdu toute légitimité, alors qu'il a rappelé à maintes reprises qu'elle est finie depuis le 23 octobre 2012!

Dans ce cas, vous commettez une autre erreur indigne d'hommes d'Etat, celle de vouloir absolument ménager Ghannouchi et vous allier, peu ou prou, avec les Frères musulmans nahdhaouis, au mépris de la volonté des Tunisiens qui des mois durant et par dizaine de milliers, demandent à Ghannouchi et à sa troïka de DÉGAGER.

Cela est voué à l'échec le plus grave ! En faisant cela, vous nuisez à l'intérêt véritable du pays qui est d'interdire dorénavant et de manière définitive l'instrumentalisation de la religion par les partis politiques.

Dans le cas contraire, je vous prédis l'échec et l'impuissance due à la division des tunisiens par votre laxisme.

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