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Les islamistes d’Ennahdha semblent dire aux partis de l'opposition et à la société civile : «Vous n'avez pas voulu d'un semblant de démocratie, eh bien ce sera à la manière forte que vous serez gouvernés.»

Par Jomâa Assâad

 

Amis lecteurs, l'heure n'étant plus aux analyses théoriques, je m'exposerai, à mon corps défendant, à la vindicte intégriste. Il y a urgence, non pas de réaction, encore impondérable, mais de simple prise de conscience, un homme averti en valant deux.

En un mot, comme en mille, l'issue de cette «crise» n'est, et ne sera pas politique. Même si leurs opposants politiques, voire certains de leurs alliés, ne le savaient pas au départ de la crise, les Nahdhaouis, eux, le savaient pertinemment. Je les soupçonne même de l'avoir toujours su, ne destinant leurs manoeuvres politiciennes qu'à gagner du temps, afin de parfaire leur machination.

Les rouages et mécanismes mis en oeuvre à cette fin, étant, désormais, de notoriété publique, je ne saurai m'y attarder. La question qui prime aujourd'hui, c'est quid de demain?

A en juger par les éléments d'analyse dont nous disposons, la réponse est évidente. Puisque vous, partis politiques de l'opposition et société civile, n'avez pas voulu d'un semblant de démocratie, eh bien ce sera à la manière forte que vous serez gouvernés. Et, pour ce faire, ce ne seront pas les arguments qui nous ferons défaut: guerre contre le terrorisme, développement économique, paix sociale, atteinte et réalisation des objectifs de la révolution, unité nationale, image internationale de la Tunisie, réussite du processus démocratique, conformité aux préceptes religieux et à la Sira des Pieux Salaf... et, en guise d'argument massue, le sacro-saint Intérêt Supérieur de la Nation.

Vous l'avez compris, tout expédient sera utilement consommable et consommé. Nul besoin de l'appareil coercitif de l'Etat! Le leur, savamment maquillé en associations caritatives, est fin prêt pour mieux brouiller les cartes et, à terme, transformer notre beau pays en «Quartier de Haute Sécurité».

Votre liberté contre votre sécurité! Tels seront les termes de cet odieux chantage. Et, croyez-moi, les choses iront plus vite qu'on ne le pense. Trois mois... Non, deux... Huit semaines... Non quatre, et nous partirons.

Ridicule? Pas tant que ça. J'ai ouï dire que les architectes de ce machiavélique plan redoutent par dessus tout la rentrée scolaire et universitaire.

Mille excuses, vous vous méprenez, une fois de plus, sur l'éthique politique de vos compagnons de jeu (politique s'entend). Ils ne font durer le plaisir de cette parodie de négociations (soufflant le chaud et le froid) que dans cette unique perspective. Nos jeunes, étant difficilement contrôlables, ils seront aisément poussés à la faute.

L'Etat d'urgence étant, heureusement, encore de mise (quoiqu'en veilleuse), y adjoindre un salutaire couvre-feu serait pur jeu d'enfants. Et, du coup, le tour de vis serait assuré.

Au fait, messieurs les juristes et constitutionnalistes confirmés, chantres du miracle démocratique tunisien, vous souvient-il qu'en état d'urgence, la réunion de trois personnes dans un espace public est assimilable à un attroupement non autorisé?

Et pourtant, à ce jour, nulle mobilisation en vue de la levée de cet état d'urgence susceptible d'ouvrir la porte à une mainmise sur les plus élémentaires libertés! Elucubrations d'un intellectuel en mal d'inspiration poétique?

Délire d'un oiseau de mauvaise augure? Pathologie symptomatique d'un dépressif chronique? Peut-être... Et pourtant, supposons qu'une partie, infime fusse-t-elle, de ce scénario catastrophe ne corrobore, d'aventure, certains événements à venir, ne gagnerait-on pas à s'y préparer? Pensez-y...

* Universitaire.