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Les Tunisiens ont désormais le choix entre l'inspiré Représentant de Dieu sur terre et le digne Héritier du Combattant Suprême. A moins qu'ils ne jouissent des deux pour le prix d'un. A propos de l'entretien de Béji Caïd Essebsi à Nessma TV, mercredi soir...

Par Jomâa Assâad*

Périlleux exercice, s'il en est, que celui d'épiloguer sur le discours de cette icône post-révolutionnaire qu'est le vénérable Béji Caïd Essebsi.

Mais puisqu'il est question d'«Intérêt National», comme il l'a si finement martelé, nous serions malvenus de nous poser la question de savoir si pareille entreprise serait bien raisonnable.

Comme du papier à musique

Pour commencer, brossons le décors de ce one man show ayant un arrière-goût de déjà vu, du moins pour les moins jeunes d'entre nous.

Un cadre familier, pour ne pas dire familial. Un interlocuteur acquis, et conquis, à l'avance. Une rhétorique évasive à souhait. Une mise en valeur du personnage à en rester coi. Et, au final, une impression de maestria impressionnante.

L'homme semblait à son affaire, déroulant les faits passés, présents et à venir comme du papier à musique. La situation actuelle de notre pays, inextricable pour le commun des mortels, semblait limpide pour notre Nostradamus national.

Et, pourtant, pour spectateur attentif à ce pastiche, je n'en suis pas moins resté sur ma faim. Non pas, certes, faute de messages. Son laïus en pullulait. Il m'avait même semblé, à certains moments, qu'il semait à tout vent.

Rassurer les Nahdhaouis sur leur avenir personnel. Resserrer les rangs avec ses alliés de circonstance. Distiller des clins d'oeil à l'adresse des «amis» de la Tunisie... Toutes «priorités» parfaitement exprimées par le brillantissime rhéteur.

Notre auguste Sauveur

Deux objectifs à l'adresse des Tunisiens moyens que nous sommes: apaiser l'angoisse collective et identifier leur Sauveur.

De quelle manière? C'est à ce niveau de l'analyse que le bat blesse.

Là aussi une double réponse qui, en définitive, n'en valent même pas une.

Ou bien, pareils détails ne sont pas dignes de l'intérêt de notre auguste Sauveur. Ou bien, son action sera régie par l'«Intérêt National» qu'il il est seul à pouvoir identifier et qui, de ce fait, ne souffre aucune concertation préalable, pas même avec les alliés (sic).

Que de beaux augures pour notre démocratie naissante!

Bienheureux Tunisiens! Désormais, vous avez le choix entre l'inspiré Représentant de Dieu sur terre et le digne Héritier du Combattant Suprême des années 1980. A moins que, perspective annoncée et non moins prometteuse, vous n'en jouissiez des deux pour le prix d'un.

* Universitaire.

Illustration: capture d'écran.