manif des Tunisiens le 13 aout au BardoPar-delà des slogans des rassemblements de la Kasbah et du Bardo, le Tunisien a besoin aujourd'hui de se sentir en sécurité, de pouvoir éduquer ses enfants et de garantir les premières nécessités d'une vie décente.

Par Talel Kamel

 

En ces temps de discorde, il serait judicieux de prendre un peu de recul et reconsidérer nos options et notre situation actuelle.

On vit aujourd'hui dans une démocratie balbutiante avec des indicateurs positifs d'une prise de conscience générale mêlée à un semblant de brise de liberté. Malheureusement et ce qui est naturel dans ces débuts de nouvelles ères, les excès ne sont pas contrôlables et les extrêmes se font plus entendre que le «main stream».

Assurer la cohésion nationale

Sans devoir recourir aux plus éminents analystes politiques, il est presque trivial de reconnaître qu'en ce moment même, la Tunisie négocie encore une fois dans la même décennie un autre point d'inflexion dans son histoire millénaire.

Je vais passer outre les comparaisons de chiffres de manifestants entre le Bardo et la Kasbah et la médiocrité de certains shows sur la place... Je voudrais dire avec toute la sympathie que je porte à mes amis des deux camps: «Comme pour le plus ancien complexe phallique des hommes... Size doesn't matter!». Bien au contraire, c'est la teneur et la portée des slogans qu'il faudrait peut-être analyser.

Le Tunisien a besoin de se sentir en sécurité, de pouvoir accéder à un système éducatif qui lui permette de gravir les échelons de la société et, bien sûr, dans tous les cas, se permettre les premières nécessités d'une vie décente.

Démontrer que ce malaise est là et bel et bien ancré dans chaque famille tunisienne serait presque «galiléen». Cette thèse de malaise est donc indiscutable quelles que en soient les raisons.

Aujourd'hui, il ne s'agit plus de se leurrer ni de se barricader derrière l'incompétence de l'autre. L'heure est à l'action mais surtout dans la cohésion!

En temps de crise, et comme on l'a vu de part l'Histoire moderne (surtout après les deux guerres), la cohésion est le seul salut d'un pays qui aspirerait à sortir de l'impasse. Cette cohésion doit se bâtir sur une feuille de route claire et précise et il s'agit là d'identifier les chantiers de travaux à venir. Quels que soient les gouvernants, toute cette classe politique se doit de définir ces trois axes, il n'y en a pas 36! Au risque de me répéter, je les rappelle: la sécurité, l'éducation et le pouvoir d'achat.

Se sentir en sécurité

En ce qui concerne la question de la sécurité, nous-nous devons de passer nécessairement par une transformation des leviers de pouvoirs. En effet, l'exécutif devrait se distancier par rapport au législatif et du judiciaire d'une manière contrôlée et c'est là que la compétence des femmes et des hommes d'Etat va faire la différence. Nous ne sommes pas les premiers à devoir franchir ce pas, d'autres pays comme l'Allemagne et la Malaisie sont passés par là.

Considérons ces expériences et ajustons-les à nos circonstances et besoins afin de rééquilibrer progressivement cette équation des pouvoirs. Dans un premier temps, il faudrait définir les risques, identifier les responsables et laisser l'appareil sécuritaire agir d'une manière indépendante et professionnelle selon les règles et lois en vigueur.

Pouvoir bien éduquer ses enfants

En parlant du deuxième axe, je ne révèle aucun secret en stipulant que l'éducation est le moteur de l'essor de toute nation. Notre religion nous le dicte, non seulement de part le premier verset du Coran mais au travers de nombreux passages du texte saint et comportements de notre saint prophète (SAWS). En effet, l'éducation est la seule voie de salut pour aspirer à un avenir meilleur. Par éducation, je n'entends certainement pas qu'on doive former plus de Bac+5 ou autres, nous voyons aujourd'hui ce que cet excès de surdiplômés fait au marché du travail et aux personnes elles-mêmes. Il s'agirait là de mieux orienter les élèves et les étudiants dans leurs choix d'avenir professionnel. C'est un travail de fond qui nécessiterait l'implication du monde académique en concertation avec les principaux acteurs des trois secteurs de l'économie à savoir l'agriculture, l'industrie et les services.

Avoir un pouvoir d'achat décent

Reste ce pouvoir d'achat dont tout le monde croit détenir la potion magique. En fait, c'est le plus vieux problème des pays développés, leurs solutions purement capitalistes et déréglées ont fini par plomber le système sans que les fondements aient été faux. Les clés de l'amélioration du pouvoir d'achat passeraient par une réforme du système de taxation par le biais de mesures qui redéfiniraient les seuils de richesse notamment dans le domaine libéral et des inégalités géographiques. Cette réforme instaurerait les organismes compétents pour l'application de nouvelles lois fiscales et organiserait la collecte de l'argent public. Aussi, cette amélioration passerait par l'encouragement encore plus pratique à l'entreprenariat et ferait usage des moyens de financement les plus récents et les plus appropriés.

La combinaison de ces 3 éléments n'est certes pas la solution magique à nos problèmes mais serait une base solide pour pouvoir discuter les tournants suivants et offrirait une plateforme de dialogue un peu plus constructif aux différents partis. Personnellement, je pense que cette cohésion devient une nécessité de survie, voire de souveraineté.

Je suis sûr que notre élite politique a depuis longtemps identifié ces créneaux, mais les solutions biaisées par quelconques calculs court-termistes ont faussé l'essence et la robustesse de ces solutions.

Dos au mur, on n'a aucun choix mis à part celui d'agir dans la simplicité, la transparence et la tolérance. Toute autre magouille ou manoeuvre politique nous mènerait encore aux clivages partisans alors qu'on a besoin de toutes nos forces réunies pour sortir de la crise.

A bon entendeur, salut!

Illustration: Marche au Bardo, le 13 août, à l'accasion de la fête nationale des femmes.