houcine jaziri 7 9Les auteurs dénoncent ici un projet de création d'un Conseil des Tunisiens à l'étranger totalement inféodé au parti islamiste Ennahdha et au secrétaire d'Etat chargé de l'Emigration, le Nahdhaoui Houcine Jaziri.

Par Abdelatif Ben Salem et Anouar Kanzari*

Mettant à profit la dispersion des communautés tunisiennes et l'absence de communication entre elles, résultat de 60 ans de politique de division, d'indifférence et de mépris envers nos compatriotes à l'étranger, Houcine Jaziri, responsable nahdhaoui d'un lilliputien secrétariat d'Etat à l'Emigration et aux Tunisiens à l'étranger, se prépare à commettre, contre la volonté de ceux-ci, une énième tentative de passage en force pour imposer, en pleine saison estivale, en ce début du mois de Ramadan et du retour massif de nos compatriotes au pays, la création d'un Conseil des Tunisiens à l'étranger (CTE).

Pseudo-consultation et manipulations

Les moyens déployés – pseudo consultation en ligne présentée comme une enquête interactive, participative et transparente, questionnaire en 21 points adressé aux résidents et à leurs associations – ne saurait cacher les véritables intentions du secrétaire d'Etat membre du Majliss Choura d'Ennahdha, parti islamiste au pouvoir, de récupérer à son profit l'une des plus vieilles revendications de la diaspora tunisienne que la révolution du 17 décembre-14 janvier à remis à l'ordre du jour.

Après l'échec de sa première tentative, il y a un an, M. Jaziri ne serait pas arrivé à ce stade d'avancement de ce projet sans la mobilisation active d'une myriade d'associations islamistes quadrillant la présence tunisienne à l'étranger – en France, en collaboration étroite avec le consul général et ancien porte-parole du parti islamiste – et sans l'assentiment – il est vrai discret – de certains responsables opportunistes, agissant politiquement sous le couvert d'associations autoproclamées «autonomes», mais gagnés en vérité depuis longtemps aux thèses des Frères musulmans en Tunisie et effectivement ralliées, depuis les élections d'octobre 2011, au gouvernement de la Troïka dominée par Ennahdha.

Le bilan de M. Jaziri – dont la «marque de fabrique» est l'index menaçant en permanence braqué sur les journalistes et les opposants – est lamentable pour ne pas dire désastreux à la tête du secrétariat d'Etat. Les mesurettes que la DCTE a qualifiées, en leur temps, de populistes et de démagogiques, se sont avérées par la suite néfastes et dangereuses pour l'équilibre économique et écologique du pays. Le prolongement de l'âge des voitures importées a, par exemple, entrainé l'extension sans précédent d'un marché parallèle du type mafieux contrôlé par des réseaux islamistes proche d'Ennahdha.

Rien, absolument rien, n'a été réalisé qui puisse améliorer quelque peu les conditions de séjour ou de retour de nos compatriotes: la gestion de l'émigration prolonge sans modification la politique de la dictature déchue, l'affaire des disparus de Lampedusa est en passe d'être définitivement enterrée. Des milliers des jeunes harragas, au sort incertain, continuent de hanter les parcs publics et les périphéries des grandes villes d'Europe, sombrent dans la délinquance et dans les dérives de toutes sortes. Nombreux parmi eux ont été recrutés par des activistes islamistes connus, appartenant aux «Rawâbit himâyat al-thawra» (Ligues de protection de la révolution), milices inféodés au Congrès pour la république (CpR) et Ennahdha, pour casser les rassemblements de protestation contre le gouvernement de la Troïka, comme on l'a pu vérifier au moins à deux reprises à Paris (Métro Couronnes) lors de la répression des mouvements populaires de Siliana, le 1er décembre 2012, et le 7 février, au lendemain de l'assassinat de leader de la gauche Chokri Belaïd, lorsque des bandes de jeunes fortement alcoolisés se sont pris violemment aux présents au cri «Bi-rouh bi-dam, nifdîk yâ Ghannouchi» (Nous sacrifions notre âme et notre sang pour Ghannouchi), par allusion au président du parti Ennahdha!

Pour un gouvernement de salut public

La dynamique citoyenne des Tunisiens à l'étranger rappelle qu'elle n'a eu de cesse de dénoncer les tentations hégémonistes du parti islamiste sur la présence tunisienne à l'étranger http://www.kapitalis.com/tribune/10755-tunisiens-a-letranger-mesures-cosmetiques-et-tendances-hegemoniques.html. Elle a exigé dans la foulée la constitutionnalisation du CTE à l'instar de toutes les autres Instances comme celles des élections, des médias ou de la magistrature. Quand le bloc islamiste à la Constituante l'a désinscrit du projet de la Constitution alors qu'il figurait dans le projet antérieur et ce dans le but de le vider de toute substance et de la mettre au service du secrétaire d'Etat et de l'agenda électoral de son parti.

La DCTE persiste et signe (Part.1; et Part. 2) que, selon les dispositions de la «petite Constitution», le département de M. Jaziri dépend d'un gouvernement provisoire dont la légitimité a expiré le 23 octobre 2012. Et de ce fait il ne possède aucune qualité d'instituer des réformes qui engagent l'avenir du pays sur le long terme. N'étant pas constitutionnalisée, la création du «Conseil des Tunisiens à l'étranger» n'est pas du ressort du gouvernement provisoire actuel.

Il est du devoir de la DCTE d'informer sur l'existence d'une liste déjà prête des futurs membres de ce «Conseil des Tunisiens à l'étranger» avant même le démarrage des «consultations». Ces pratiques condamnables bafouent le principe fondamental du choix démocratique de ceux qui nous représentent et jettent une ombre épaisse sur l'ensemble de cette opération. C'est pourquoi, nous lançons un appel pressant à tous les Tunisiens expatriés pour stopper cette mascarade et dénoncer tous ceux qui prêtent de près ou de loin leur concours au montage de cette fiction.

Outre l'expiration constitutionnelle de la légitimité le 23 octobre dernier, la Dynamique citoyenne des Tunisiens à l'étranger considère que l'incompétence dans la gestion islamiste des affaires et leur échec général dans la direction du pays, ainsi que l'effondrement de l'Etat-Troika au soir de l'assassinat de Chokri Belaïd, suivi par la démission du gouvernement Jebali, ont sonné les glas du règne islamiste.

La DCTE affirme qu'il n'existe pas d'autres issues, pour éviter à notre pays de sombrer dans la violence et le chaos, à part celle de la démission du gouvernement actuel et la désignation d'un gouvernement apolitique de Salut National, qui aura pour tâches de parachever la constitution, d'accélérer le processus de transition politique et de convoquer rapidement des élections générales.

Pour la Dynamique citoyenne des Tunisiens à l'étranger (DCTE)

Abdelatif Ben Salem & Anouar Kanzari

Paris, 9 juillet 2013

Illustration: Houcine Jaziri.