tunisiens libres 5 28Le salut de la Tunisie passe par des élections transparentes, menées sans tarder, pour combler ce vide démocratique qui ne cesse de se creuser depuis le 23 octobre 2012, date de la fin de légitimité du pouvoir en place.

Par Ali Guidara*

 

Les récents événements en Tunisie ne laissent plus de place au doute quant aux intentions du pouvoir, porté par les dérives sectaires de groupuscules terroristes à qui ce pouvoir a pris soin dès le départ de laisser le champ libre pour proliférer, menacer la population et tenter d'imposer leurs dictats à toujours plus de monde.

Le résultat est édifiant: la population tunisienne vit de plus en plus dans un état de peur des lendemains qui semblent annoncer terreur et oppression, un scénario déjà trop connu chez certains de ses voisins. Les actes terroristes de ces dernières semaines ont bouclé la boucle du système totalitaire qui tente de se mettre en place, au vu et au su de la planète entière, devant des citoyens abasourdis par ce qui arrive à leur pays et devant ce portrait totalement étranger, déjà si loin d'une traditionnelle Tunisie chaleureuse et accueillante.

N'abandonnons pas le peuple tunisien!

Aujourd'hui, il n'y a plus place aux tergiversations et aux critiques stériles et il ne semble plus possible de rester ni indifférent ni neutre devant la catastrophe programmée, qui pousse la Tunisie vers la déchéance, doucement mais sûrement.

Ce pays se meurt à petites doses et il est, comme un jeune enfant, incapable de s'en sortir sans que toute sa famille le prenne en charge. Et sa famille, ce sont toutes les Tunisiennes et tous les Tunisiens qui aiment ce pays et sont soucieux de son avenir et qui ne voudront en aucun cas l'abandonner aux nihilistes d'un autre âge et à leurs maîtres. Notre pays a besoin d'être interpellé, secoué, sans ménager ses fausses certitudes et son autocensure qui cède de plus en plus le terrain aux futurs oppresseurs.

Ne rien faire, aujourd'hui, c'est abandonner la Tunisie à ceux et celles qui ont trahi l'immense élan démocratique né de la Révolution et qui ont prouvé qu'ils sont indignes de la responsabilité qui leur a été accordée – pour un an, souvenons-nous – en s'installant au pouvoir et à l'assemblée nationale, dite constituante. Ils ont simplement conduit le pays à un marasme économique, politique et social effrayant, bien que plusieurs nous aient mis en garde et depuis très longtemps contre ces lendemains cauchemardesques que la «troïka» et ses sbires préparaient d'une façon systématique et soutenue.

Le mythe d'un islamisme compatible avec la démocratie

Ce mythe doit être démoli pour empêcher les religieux de faire de la religion leur fond de commerce. Sur le plan de la sphère publique, aucune religion et aucun courant politique d'obédience religieuse n'est compatible avec la démocratie contemporaine et l'Etat de droits, dont l'un des attributs les plus importants est la liberté de conscience, ce que réfutent bien des mouvements religieux.

La religion est par définition un lien entre l'individu et un ensemble de dogmes et de croyances, et ce lien est surtout de l'ordre de l'intime, du choix personnel, de la sphère spirituelle, et il ne peut servir à asseoir les principes d'un État, par essence composé de citoyens aux appartenances et croyances diverses. Seule une prise de conscience générale peut faire en sorte que les citoyens optent pour les formations politiques séculières qui proposent des solutions pragmatiques, globales et inclusives aux problèmes contemporains.

L'usage de la religion en politique est une atteinte à la sacralité de la religion, tout en représentant une catastrophe sur le plan politique. Car, alors, la politique se voit soumise à des dogmes érigés par les hommes au fil des siècles passés, et désormais figés. Et qu'on ne nous assène plus l'exemple des soi-disant modèles turc ou malaisien, où la censure et l'oppression n'ont jamais disparu, mais tendent plutôt toujours à croître.

La Tunisie nous appelle : ayons le sens du devoir!

Il est donc plus que jamais urgent de s'occuper de politique et ne plus la laisser aux seuls apprentis sorciers. C'est, aujourd'hui, plus que jamais, une nécessité de s'engager et de militer au sein des formations politiques qui défendent l'Etat civil, l'égalité entre les citoyens et la protection des droits et des libertés, toutes les libertés, d'une façon inconditionnelle.

Seuls notre engagement et notre militantisme à tous peuvent sauver la Tunisie, qui a besoin de nous maintenant, pour préserver ce qui reste de cette république et de ses institutions, et restaurer au plus vite ce que nous avons déjà perdu. Il est donc grand temps de soutenir les formations qui luttent pour la préservation de cette Tunisie unique, plusieurs fois millénaire et métissée, fière de son histoire et cependant ouverte au monde.

Ayons le sens de la responsabilité citoyenne et laissons de côté nos divisions et tergiversations, et surtout les débats stériles et les fausses accusations afin de réveiller les consciences et redonner confiance aux Tunisiens pour qu'ils comptent sur eux-mêmes pour changer la situation dans un pays qui vit de plus en plus les affres de la souffrance sans savoir comment agir ni par quoi commencer.

Le salut passe d'abord par des élections transparentes, menées sans tarder, pour combler ce vide démocratique qui ne cesse de se creuser depuis le 23 octobre 2012, date de la fin de légitimité du pouvoir en place.

* Conseiller scientifique, chercheur en analyse de politique étrangère.