assemblee 14 3Parce qu'une constitution discriminatoire envers son peuple est vouée à une très courte vie, les discriminations fondées sur l'âge contenues dans la 3e mouture de l'actuel projet de constitution doivent être révisées d'urgence.

Par Amine Kallala*

 

Le 14 mai, le tribunal administratif a décidé de geler les activités de la commission de tri des candidatures pour l'Instance supérieure indépendante des élections (Isie) à cause d'un certain nombre d'irrégularités et d'illégalités.

En effet, parmi les critères de sélection, un candidat ou une candidate doit avoir un âge minimum de 35 ans. Le tribunal administratif a jugé que ceci est une pure discrimination fondée sur l'âge.

Une victoire pour la jeunesse tunisienne

Le 22 mai, la commission de tri des candidatures pour l'Isie a déclaré qu'après accord avec le tribunal administratif, le critère discriminatoire de l'âge a été supprimé de la procédure de sélection des candidats. Ceci est une victoire pour la jeunesse tunisienne qui représente l'avenir de notre patrie, mais aussi une victoire contre la discrimination fondée sur l'âge d'une façon générale.

Malheureusement, la discrimination par l'âge ne se limite pas à cet incident au sein de l'Assemblée nationale constituante (Anc). Nos députés comptent même la légaliser et l'inscrire dans le plus important texte juridique de notre pays, à savoir la constitution!
En effet, le troisième brouillon de notre future constitution – qui par certains aspects est un véritable brouillon – stipule, dans son article 52, que seuls les Tunisiens et Tunisiennes âgés de 23 ans et plus peuvent se présenter aux élections législatives.

Les représentants du peuple pensent donc qu'un individu âgé de 22 ou 21 ans est un incapable, un immature et n'est pas prêt à endosser des responsabilités politiques. Pourtant, ce sont bien ces jeunes dont la plupart d'entre eux sont dans cette fourchette d'âges, qui ont fait la révolution, donnant ainsi la preuve, et avec force, d'une grande maturité politique en s'opposant à la dictature. Et ce n'est pas fini!

L'article 72 du 3e brouillon de notre future constitution stipule – encore ! – qu'un Tunisien ou une Tunisienne doit être âgé entre 40 ans et 75 ans pour pouvoir se présenter aux élections présidentielles. Une autre discrimination par l'âge et de surcroît concernant la plus haute magistrature de notre pays.

Une mauvaise foi électoraliste

Pourtant, ce même pays a connu des héros qui, au-delà de cette limite d'âge, ont sauvé le pays dans des circonstances difficiles. C'est ainsi que Béji Caid Essebsi à plus de 80 ans a pu mener le bateau Tunisie vers les premières élections libres, transparentes et démocratiques de la Tunisie moderne.

Plus de 2.200 ans, avant lui, Hannibal devint le général en chef de l'armée de l'empire carthaginois à seulement 26 ans. Pour autant les Carthaginois ne se sont pas dits : «Il est trop jeune pour cette responsabilité».

En plus d'être discriminatoires, les articles 52 et 72 sont en complète contradiction avec l'article 6 du même texte juridique, à savoir le 3e brouillon de notre future constitution. L'article 6, qui est excellent dans son contenu, précise que «les citoyens et citoyennes ont les mêmes droits et obligations et sont égaux devant la loi sans discrimination»!

Alors, soit la commission de coordination (de son vrai nom : Commission du préambule, des principes fondamentaux et de la révision de la Constitution) ne s'en est pas aperçue, soit cette dite-commission a fermé l'œil sur cette contradiction dans un but électoral à court terme.

D'autre part, un député peut être âgé de 100 ans et donc apte à rédiger les lois du pays (vu qu'il n'y a pas de limite d'âge supérieure pour être député). Mais ce même individu est jugé trop vieux pour être président de ce même pays. N'y a-t-il pas de la mauvaise foi par hasard?
Sur un autre volet, l'article 12 du projet de constitution révèle une autre contradiction en stipulant que «la jeunesse est une force active dans la construction de la patrie. L'Etat œuvre à élargir la participation de la jeunesse dans le développent social, économique, culturel et politique et à la généraliser. L'Etat veille à créer l'environnement adéquat par l'activation de ses énergies et sa prise de responsabilité («ses» et «sa» se rapportent à la jeunesse)».

Si les députés croient vraiment en la jeunesse et en sa capacité à prendre des responsabilités importantes, il faudra alors corriger les articles 52 et 72 afin qu'il n'y ait pas d'âge minimum pour la députation et la présidentielle. Etre électeur devrait suffire comme critère.
Malheureusement, l'article 12 donne l'impression d'avoir été rédigé juste pour la vitrine et montrer que les députés ont de la considération pour ceux qui ont fait la révolution sans que cela ne se concrétise dans la pratique au plan des droits politiques.

Seuls la compétence et le dévouement pour la patrie devraient être les critères de sélection des candidats aux législatives et aux présidentielles, avec pour seul juge le peuple à travers les bulletins de vote. Une constitution qui est discriminatoire envers son peuple est vouée à une très courte vie.

*«Jeune» pharmacien industriel.