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Ce qui se passe aujourd'hui à Tunis rappelle, par divers aspects, le scénario de l'avènement de la république islamique d'Iran, après la chute du Shah. Des similitudes plus qu'inquiétantes.

Par Seif Ben Khedher*

Le militantisme politique n'est il pas désuet là où la résistance civile s'impose?

Un questionnement d'autant plus légitime qu'au lendemain du 23 octobre dernier, et au terme d'un mandat électoral pourtant sans équivoque, nous assistâmes à la naissance de l'illégitimité juridique et morale d'une assemblée de personnes, que certains qualifient du bout des lèvres de coup de force institutionnel.

Un «faute de mieux...» qu'il faudra décortiquer à partir de l'action de l'opposition d'une part, et celle du pouvoir, d'autre part.

Un «faute de mieux...» qui nous ramène au statut de témoins impuissants d'un contrôle de l'appareil de l'Etat et de l'espace public par le pouvoir à un rythme proportionnel à la passivité de l'opposition et à la stérilité de son discours.

Un «faute de mieux...» qui, dans un passé pas si lointain, a contribué à asseoir la dictature des mollahs que notre processus transitionnel semble suivre fidèlement ses traces.

Un «faute de mieux...», enfin, qui, en l'absence de similitude religieuse, représente aux yeux de nos tartuffes la recette miracle, l'équation «du tout». Hypnotiser les masses, berner l'Occident, dans sa composante intellectuelle, celle qui fait le plus de bruit, s'approprier du butin constitué par les richesses du pays, rabaisser l'élément humain au rang de sujet.

Mais là où ils diffèrent des mollahs, ils entreprirent de trahir la nation, de la vendre comme un vulgaire lopin de terre oubliant par la même que les sujets, contrairement aux esclaves, y sont profondément enracinés. Ce fatal oubli, signera leur perte programmée car si les peuples se sacrifient volontiers pour une cause, ils ne se soumettront jamais à une félonie...

Là encore il y a beaucoup à apprendre de l'histoire de l'humanité.

Saison une

Au lendemain de l'investiture du gouvernement d'Ennahdha (pour ceux qui veulent croire à une troïka, le père noël aurait été plus indiqué et certainement plus vraisemblable), deux événements révélateurs et comparables à ce qui se produisit en 1979 à Téhéran eurent lieu.

1- L'apparition d'une milice vêtue de dossards au logo officiel du parti de Dieu, comme ils se plaisent à le faire croire, lors d'un conseil ministériel à la Kasbah.

2- Le recours, dans l'enceinte de la constituante, par une figure emblématique du monde carcéral tout autant que celui de la dévotion, à un verset promettant crucifixion et autres exécutions sanguinaires à l'égard des «forces contre-révolutionnaires» et «corrupteurs sur terre», la nouvelle terminologie réservée aux manifestants et à l'opposition.

Khomeiny a eu recours au même verset pour justifier les répressions contre les révoltes socio-ethniques déclenchées un peu partout dans le pays.

L'opposition, déjà responsable pour avoir servi de caution faussement laïque et fictivement progressiste aux tartuffes londoniens en inventant le concept d'islam d'Etat modéré, n'a pas réagi à ces signes précurseurs et avant-coureurs d'un islam politique qui ne dit ni son nom et ni sa vocation en tout cas à des années lumière d'une divine spiritualité.
Pourtant, en son temps, Mehdi Bazargan, l'équivalent de notre machin, avait déclaré «Notre future république ne sera en rien comparable aux régimes de Libye ou d'Arabie Saoudite. Elle sera juste et tolérante, elle sera un modèle pour le monde». Aux faiblesses manifestes dans l'art de la stratégie et de la communication politique, l'opposition a fait montre de graves lacunes en Histoire des nations !

Les milices ont proliféré sous deux casquettes distinctes, mais au service d'un même tartuffe suprême. L'une officielle sous le nom de Ligue de protection de la révolution (LPR), l'autre clandestine, Ansar Al-Chariâ , et leur faits d'armes de s'étaler, d'un premier assassinat politique à Tataouine, un deuxième à Tunis, en passant par les évènements du Palais Abdellia, Cheikh Idriss, meetings de Kélibia, Djerba, Sousse, Sfax, Gafsa, 9 Avril, 4 décembre... et la liste est longue.

Saison deux

L'opposition, toute tendance confondue, se contentait d'un aller-retour sur l'avenue Bourguiba aux allures de kermesse, quand le ministère de l'Intérieur le permettait bien sûr.

Khomeiny leur avait pourtant dit en 1979: «La révolution n'est pas un diner-gala!».

A ce qui est justement perçu comme un étant un amateurisme, la nébuleuse accélère le noyautage de l'Etat dans tous ses rayons, infiltre la police, administre les services secrets militaires, manipule les chiffres officiels, agresse les journalistes, accentue l'islamisation de la société et répand les prémices de la terreur.

A ce stade, Khomeiny rappelait : «Les gardiens de la révolution ne peuvent plus permettre à une petite minorité (les zéros virgule... tiens tiens ! la même image ... inconscient lorsque tu ressurgis !) de bafouer les libertés de l'immense majorité», au point où il considérait mécréante toute personne qui ne croyait pas à cette théocratie détentrice de la vérité absolue à travers la Chariâ du Guide Suprême ou de son Conseil islamique.

Exécuter les mécréants devient par conséquent un devoir dicté par la foi en Allah. Cela nous ramène à une déclaration identique faite par notre tartuffe local, filmée à deux reprises, dont la première a été timidement contestée et la deuxième habilement détournée en dehors des projecteurs.

Khomeiny aborda dès lors la phase de l'élimination physique de tous ses serviteurs de Sadegh Ghotbzadeh, Abbas Ali Khalatbari, Mohamed Taqi Madjidi, Manouchehr Azmoun, et même Hassan Pakravan qui l'avait pourtant sauvé d'une condamnation à mort par le Shah.

Le 23 Avril 1979, il fit exécuter Mohamed Guarani, ancien chef d'état major interarmées, un militaire...!

L'opposition, la nôtre... dans son infinie grandeur et néanmoins candeur, prend position et... propose une conférence nationale du dialogue. Faut-il en rire?

L'islamisation de la société et sa fanatisation est de toute évidence un impératif pour manipuler et basculer d'un statut de sujet à celui de chose selon le genre.

Pour ce faire, les Mollahs chargés de mission passent à 180.000 en l'espace de quelques mois, une véritable armée loyale et dévouée à la cause de Dieu et de son serviteur. Notre Tartuffe en chef, conscient de l'insuffisance du vivier national, aura recours à la seule alternative qui se présente: l'importation.

L'opposition suggère de s'orienter vers les oulémas de la Grande mosquée Zitouna, ignorant ou feignant d'ignorer la portée de la mission.

Qu'à cela ne tienne, le message est reçu! Assaut est donc donné dans les montagnes de Châmbi et dans les rues de Kasserine, Kef, Jebel Jeloud et Cité El Khadhra.

Et lorsque Khomeiny répliquait par «L'ennemi, ce n'est pas le fusil, mais la plume!».

Etrangement notre ministre en charge de l'enseignement semble avoir fait sienne cette déclaration, par les faits.

Dernier épisode

Beaucoup d'observateurs évoquent la similitude de notre situation avec celle de l'Algérie voisine sur le double plan de l'islam politique avec ses branches terroristes et de l'armée.

Je dirais que c'est peut-être le cas en terme d'idéologie, inscrivant l'islam politique sunnite dans l'esprit libéral de l'union euro-atlantique et que son frère ennemi chiite obtempère aux exigences géopolitiques de l'axe sino-soviétique. Mais en terme d'organisation et de processus, l'Iran est bien le modèle de référence duquel s'inspirent indiscutablement les nôtres.

La constitution islamique de 1979 l'atteste, même s'ils n'ont pu éviter l'écueil de l'assemblée constituante, lui préférant certainement une réunion d'une choura à l'image de cette assemblée d'experts théologiens transcrivant fidèlement le fruit d'une réflexion de l'ayatollah de son exil à Neauphle-le-Château, où le fruit des élucubrations d'un Tartuffe de son exil des faubourgs de Londres seraient retranscrits.

L'épisode final pourrait s'adapter toutefois au scénario de nos voisins, avec un coma artificiellement prolongé de l'opposition, et si la résistance civile ne s'organise pas.

* Coach en techniques de communication verbale et gestuelle.