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La candidature de Béji Caid Essebsi, ancien Premier ministre et leader de Nida Tounes, aux futures élections présidentielles, énerve le parti islamiste Ennahdha et ses alliés. Et si c'était le seul moyen pour sauver la Tunisie?

Par Rafik Mzali*

On peut souhaiter que de jeunes loups modernistes et tolérants, sans la moindre compromission avec les régimes passés, prennent les rênes du pouvoir en Tunisie.

Mais en attendant, alors qu'Ennahdha se complait dans un pernicieux jeu de clair obscur, et que l'opposition peine à devenir une force engagée proche du peuple, Béji Caïd Essebsi (BCE) sait trouver les mots et rassembler.

En attendant la relève

L'homme est âgé c'est sûr, mais son discours est cohérent, ses idées sont claires, sa mémoire est intacte, ses prises de position sont courageuses et pertinentes, sa popularité est sans cesse croissante. Il est écouté par les plus grands dirigeants et ce ne peut être le fruit du hasard.

Tous ceux qui craignent l'avènement d'une théocratie ne peuvent rester insensibles à la dégaine intellectuelle de notre homme.

Lorsque la révolution était encore celle du jasmin et que tout se comparait à l'idéal, on peut reprocher à BCE, comme à beaucoup, des tas de choses en rapport avec le régime autoritaire de Bourguiba. Mais aujourd'hui, quand on voit les agissements d'un Rached Ghannouchi, leader du parti islamiste Ennahdha (au pouvoir), des Ligues de protection de la révolution (LPR), des Salafistes, la mascarade de l'Assemblée nationale constituante (ANC), le mirage des élections, on ne peut que relativiser les aspects critiquables de notre vieux bonhomme.

On a tendance plutôt à voir en lui l'espoir de la perpétuation de la Tunisie que l'on voulait tous, celle moderniste de Bourguiba mais sans l'erreur de la présidence à vie, et qu'on craint de perdre à jamais du fait de notre inertie. Il n'a plus trop l'âge mais il maintient l'espoir de la sauver en attendant qu'une relève prenne le relais.

Il dérange Ennahdha, ce qui est sain et de bonne guerre, car que serions-nous devenus sans contre-pouvoir face à des extrémistes dont 90% des problèmes sont la femme et ses attributs.

Face aux apprentis sorciers obscurantistes

Au moment ou on a l'impression qu'Ennahdha cherche à s'éterniser au pouvoir, on doit reconnaître que BCE, en son temps, a joué le jeu aux dernières élections et a laissé sa place aux vainqueurs (Ennahdha et Hamadi Jebali); on ne peut lui nier le fait qu'il s'est comporté en démocrate, chose dont on peut douter chez ses successeurs.

Rien que pour cela, il a le droit de se présenter aux élections actuelles, ne serait-ce que pour jouir de son droit d'exister.

Beaucoup de Nahdhaouis le critiquent pour ne pas dire le haïssent alors que paradoxalement, si aujourd'hui, il est devenu si populaire, c'est au moins à cause de la dérive dictatoriale d'Ennahdha. On peut même parier que si le processus démocratique avait poursuivi sa marche normale avec des élections rapides et une constitution qui rassemble tous les Tunisiens, peut être que BCE ne se serait pas présenté aux élections et peut qu'il n'aurait pas créé Nida Tounes.

BCE a trop peur pour la Tunisie moderniste de l'après-indépendance qu'il a bâtie avec Bourguiba pour rester en spectateur face à ces apprentis sorciers obscurantistes. Se présenter aux élections est pour lui synonyme de fidélité à un idéal, même si c'est le temps d'un jour.

* Professeur en chirurgie digestive au Chu Habib Bourguiba de Sfax.