meriem femen tunisienne 29 3Les Femen, en Tunisie ou ailleurs, ont, peut-être, caché au fond de leur message de simple apparence physique un autre plus profond qui est celui de dire: «Résistez, ne vous laissez pas faire, ne nous laissons pas asservir»... par des barbus «extraterrestes».

Par Fathi B'Chir*

La réaction est, a priori, le rejet : elles sont hors de nos traditions, de ce que notre société peut admettre avec, en plus, une dose de conservatisme social hypocrite qui voile quelque peu notre perception du message que ces jeunes femmes veulent transmettre.

Quelle hypocrisie au fond. Quand sur les plages des femmes aux torses dévoilés se prélassent au soleil, nul mâle n'entre en transes. Il se domine et même s'il risque un œil plus ou moins insistant, plus ou moins élégant, il ne fonce pas sur sa «proie».

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Meriam, la Tunisienne, s'entretient avec Inna Chevschenko, leader ukrainienne des Femen à Paris, et une traductrice Femen.

Les fastasmes malsains de religieux extraterrestres

C'est tout ce qui nous sépare des animaux. Nous sommes des êtres pensants, pas des bonobos (singe très «sexué») et nous savons faire la différence entre – si j'ose dire – le «sein érotique» et le sein qui ne l'est pas, comme celui de nos mères, sœurs, belles sœurs, de nos collègues de bureau, le sein présenté à un médecin, etc.: toutes ces femmes qui sont hors de notre champ érotique personnel. Ce sein peut-être aussi politique. Car si la forme de la protestation qui amène à l'exhiber est discutable, le fond doit être analysé avec attention et.. intelligence, loin des réactions premières.. primaires.

Alors que dans nos pays, presque dans tous les pays, la principale préoccupation est dans la recherche de conditions de vie minimales, le boulot, la santé, l'éducation, l'alimentation que voyons-nous émerger et dominer la scène, la femme, les règles de conduites sexuelles (pour ou contre). Est-ce là le problème? Ces religieux «extraterrestes» obnubilés par la femme et son apparence physique et qui l'enveloppent de leurs interdits absurdes parfois. Ils trouvent même à nourrir leurs fantasmes malsains à la vue d'une chevelure féminine, alors que leurs barbes broussailleuses sont bien plus obscènes, esthétiquement.

Toutes ces femmes sont la moitié de notre population, la moitié de nos vies, mères épouses, filles, sont vues comme des êtres mineurs.

Le plus obscène n'est-il pas qu'elles soient moins payées à compétences égales, moins considérées, vues seulement ou surtout comme des poitrines et des fesses dans une perception amplifiée par les fantasmes nées de frustrations séculaires. Incontestablement, elles souffrent de cette image, du harcèlement parfois «soft» mais persistant. Etres mâles par hasard des chromosomes, mettez-vous un moment à leur place et vous saisirez vite le poids de l'oppression, étouffante, qu'elles vivent. Légère ou lourde, elle n'en reste pas moins inacceptable surtout lorsqu'on ne cesse de se gargariser de discours sur les droits humains... les droits de l'Homme. La démocratie commence là. Chez soi déjà. Elle n'est pas que paroles vite dispersées dans l'air de nos terrasses de café ou dans nos salons.

On peut comprendre que dans un tel contexte des femmes puissent dire : mon corps vous obsède tant? Votre perception du monde est focalisée sur la pointe de mes seins, sur mon corps? Le voici, et alors? Il m'appartient et j'en fais ce que je veux.

Les protestations entendues ne signifient-elles pas au fond que non: leurs corps «appartiennent» à quelqu'un d'autre. Comment réagiriez-vous si on vous le disait. Nul n'est la propriété de quelqu'un d'autre. Il n'y a seulement que des conventions sociales, le époux sont l'un à l'autre par consentement mutuel mais ne se «possèdent» pas.

Les «barbus» et leurs «barbies»

L'attitude est extrême certes mais elle est une réponse directe à une autre attitude qui elle est encore plus anormale, plus obscène. Au fond, ne dit-on pas que l'obscénité n'est pas dans le fait lui-même mais dans le regard qui observe et critique.

La symbolique du sein est forte. Dans l'histoire, des femmes se découvraient la poitrine aux abords des champs de bataille pour encourager les guerriers à affronter la mort avec courage. Les femmes représentant les «victoires», la détermination pour la vie, dans toutes les civilisations, sont nombreuses à figurer sur les stèles et statues antiques partout.

La symbolique est forte et nous ramène à nos origines humaines les plus simples et les plus fondamentales. Le sein est peut-être une image humaine de la divinité, symbolisée pour nous rappeler ce que nous sommes et c'est probablement ce rappel qui suffoque nos «barbus» et leurs «barbies» emmitouflées comme un maïs, tiens «mastoura» (voilée, pudique, Ndlr). Elles croient l'être mais elles prennent l'apparence d'une «mastoura» dans leurs voiles de «moujiks», ces vieilles paysannes russes du temps des Tsars.

Les Femen ont, peut-être, caché au fond de leur message de simple apparence physique un autre plus profond qui est celui de dire: «Résistez, ne vous laissez pas faire, ne nous laissons pas asservir». Entendons simplement ce message sans trop en faire sur l'apparence de leurs seins.

* Journaliste tunisien basé à Bruxelles.

* Les titre et intertitres sont de la rédaction.

Illustration: Meriam, la Tunisienne, rejoint le groupe Femen à Paris et pose devant son logo, marquant ainsi son engagement.