Sihem Badi Tunisie

L'Administration profonde, prise en défaut dans l'affaire de la petite fille violée dans un jardin d'enfants, a-t-elle choisi de piéger Sihem Badi, et de la sacrifier sur l'autel de la gabegie et de l'incompétence?

Par Mustapha Kammoun*

L'affaire de la petite fille de 3 ans violée par un membre du personnel de son jardin d'enfant défraie la chronique et on apprend un peu plus chaque jour sur les dessous de ce scandale. Un scandale qui porte déjà ombrage à un gouvernement qui, bien que relooké, semble hériter des faiblesses de son prédécesseur du seul fait de la présence en son sein de certain(e)s ministres que la «troïka» au pouvoir a voulu imposer aux Tunisiens malgré leur rendement décevant.

Il est acquis que Sihem Badi, ministre de le Femme et de la Famille, en charge du dossier de l'enfance, vient de perdre irrémédiablement toute sa crédibilité et qu'elle est dorénavant condamnée à éviter les médias pour essayer de se faire oublier et éviter ainsi d'être virée avant de boucler sa deuxième année de mandat qui lui ouvre la voie à une pension de retraite complète de ministre.

Pourtant, Mme Badi a œuvré, dès le déclenchement de cette affaire, à brouiller les pistes et à dégager la responsabilité de son ministère. L'a-t-on «trompée», comme Ben Ali, ou n'a-t-elle pas vu venir, si occupée qu'elle est à guerroyer contre les opposants à Ennahdha?

En collant une à une les pièces du puzzle de cette affaire, en déchiffrant les déclarations de la ministre et de ses collaborateurs ainsi que ceux des parents de la jeune victime et des diverses parties prenantes, on peut apporter la réponse à cette question décisive: Pourquoi Mme Badi a-t-elle cherché à mettre hors de tout soupçon le jardin d'enfants et sa directrice? Pourquoi a-t-elle défendu l'indéfendable et risqué ainsi de se faire humilier et fragiliser par là même un gouvernement qui voulait impérativement asseoir de nouveau son autorité?

Ainsi donc l'agression sexuelle sur la fillette n'a pas eu lieu au jardin d'enfants, d'après une Sihem Badi convaincue que l'établissement est en règle et n'est pour rien dans ce qui s'est passé, et que le crime a été commis dans le «cadre familial élargi» de la victime.

Lundi soir, le bulletin d'information de Nessma TV nous apprend, par l'intermédiaire d'un responsable au ministère de Mme Badi, que la directrice et le personnel éducatif du jardins d'enfants sont des diplômés de l'Ecole de formation des cadres de l'enfance de Dermech qui relève justement du même ministère. Mais comme la majorité des cadres de ce ministère est issue de cette école, on est presque certain que le personnel du ministère a cherché a disculper la directrice par solidarité. A-t-on alors mal conseillé la ministre qui, du coup, s'est retrouvée complètement à côté de la plaque. Il semble que Mme Badi ait été victime d'un lobbying du personnel du ministère qui lui a tout simplement joué un très mauvais tour en faisant d'elle, finalement, le responsable du gouvernement le plus détesté des Tunisiens, titre qu'elle risque de garder encore un temps.

Par ailleurs, plusieurs source – dont la Chambre nationale des jardins d'enfants – affirment que le jardin d'enfants en question est un établissement anarchique ce qui dément à la fois la version de la ministre – jardin en règle – et les propos tenus par le délégué de la protection de l'enfance. Ce dernier, pour noyer le poisson, a pointé du doigt les services du ministère de l'Intérieur, coupables, selon lui, de ne pas mettre en exécution les arrêtés de fermeture des jardins anarchiques.

Il semble encore une fois que ledit jardin a bénéficié depuis longtemps de magnanimité et de la complaisance du ministère puisque son inspection n'a rien vu venir, d'où la tentative d'étouffer une affaire fort compromettante pour les cadres du ministère.

L'Administration profonde a-t-elle choisi de sacrifier la ministre, qui découvre à ses frais qu'elle s'est faite piéger? D'où son silence brusque et inhabituel. Elle a été doublement flouée.

Combien de fois a-t-on abusé d'elle de la sorte? Au moins s'en est-elle aperçue comme sa supposée protégée: la petite fille violée? Pas sûr!

On comprend mieux alors pourquoi son propre frère, député à l'Assemblée nationale constituante (Anc), réclame hardiment son départ: c'est pour lui éviter la sortie par la petite porte, n'est-ce pas Azed Badi?