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Le scénario syrien est en fait un remake de la pièce jouée en Irak en 2006 et en Libye plus récemment. Le glas sonne pour tous ceux qui osent contrarier les plans de l’empire américain.

Par Dr Salem Sahli


En 2006, j’ai publié un billet d’humeur peu après la pendaison de Saddam Hussein à l’intention de ceux qui parmi nous s’étaient trop vite réjouis de cette macabre exécution. Six ans sont passés et «l’histoire comme une idiote mécaniquement se répète».

De Saddam à Bachar: les Américains tirent les ficelles

L’exécution de Saddam Hussein le 30/12/2006 fit couler beaucoup d’encre et continuera probablement de susciter les commentaires les plus divers et les plus contradictoires. En effet, selon que l’on est partisan ou adversaire de la peine de mort, les positions diffèrent. Selon que l’on considère l’ex-président irakien comme un tyran ou bien comme un grand homme d’Etat, les avis divergent. De même, les opinions s’opposent en fonction du degré de légitimité que l’on octroie à un tribunal censé rendre la justice dans un pays occupé.

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Kadhafi vaincu par... l'Otan.

Je pense personnellement que Saddam Hussein fut un tyran et un dictateur. Mais son exécution fut la pire des réponses qu’on apporta aux crimes qu’il commit. Et nous étions nombreux à ne pas nous en réjouir considérant qu’on a répondu à la barbarie par la barbarie.

Mais au-delà des divergences ou nuances que l’on peut avoir sur tel ou tel point, une chose ne souffre aucun doute à mes yeux: la capture de Saddam Hussein, son jugement et jusqu’à la mise en scène macabre de sa pendaison, tout a été méticuleusement organisé par les Américains pour assouvir leur soif de vengeance d’une part, et humilier voire insulter à travers lui une grande partie des Arabes et des Musulmans d’autre part. Ceux-là mêmes qui n’ont jamais accepté de cautionner la politique guerrière des néo-cons américains.

Que ceux qui s’étaient réjouis de l’exécution honteusement orchestrée de Saddam Hussein méditent bien cette citation du poète anglais John Donne: «N’envoie jamais demander pour qui sonne le glas; il sonne pour toi». Désormais, la justice américaine s’impose à l’échelle mondiale. En 2006 ce fut Saddam, mais demain à qui le tour? Il y a comme une mise en garde sévère pour tous ceux qui oseraient contrarier les plans de l’empire américain.

Les dirigeants arabes et la diplomatie du néant

Et voici venu le tour de la Syrie. La crise syrienne en cours confirme sans surprise la lâcheté et l’impuissance des dirigeants arabes. Ceux-ci nous livrent chaque jour la démonstration de leur incompétence. Ils ont réinventé la diplomatie du néant et transformé la ligue arabe en un club d’intérêt privé, un réseau de prostitution d’état dirigé par des proxénètes à la bannière étoilée. D’autres «responsables» ont tout bonnement confié leur souveraineté nationale aux américains en échange de la garantie de stabilité de leur régime.

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Bachar El Assad, le prochain sur la liste des... déchus .

Lors de l’invasion de l’Irak, ils assistaient contents à l’agression d’un des leurs. Aujourd’hui, en livrant des armes aux «mercenaires», ils participent activement à la guerre en Syrie.

Je n’ai aucune sympathie pour le régime syrien autoritaire et répressif, et j’appelle de mes vœux l’avènement de la démocratie et de la liberté dans ce beau pays. Mais pensez-vous un seul instant que ces chefaillons d’Etat, roitelets et autres émirs d’opérettes sont porteurs de liberté et de démocratie pour le peuple syrien? Oh que non! Lâches parmi les lâches, veules parmi les veules, ces thuriféraires de l’oncle Sam, ces poltrons collaborateurs sont passés maîtres dans l’art du coup de sabre dans le dos de leurs frères.

Hillary Clinton s’est indignée l’autre jour du double véto russe et chinois à une résolution sanctionnant le régime syrien. Mais la crédibilité des Etats-Unis sur ce point est largement entamée car on ne compte plus le nombre de vétos que les Américains ont opposé pour empêcher la condamnation de l’enfant chéri : Israël.

Ainsi va le monde, Israël peut en toute impunité envahir le Liban, massacrer des milliers de Palestiniens à Sabra et Chatila, bombarder Hammam Chott, semer la terreur et la mort à Gaza et en Cisjordanie…, l’occident laisse faire comme on passe ses caprices à un enfant gâté, tout au plus nous gratifie-t-il de quelques lamentos sur le thème de «l’escalade» ou  de «l’engrenage de la violence». Cela ne prend plus et la couleuvre est difficile à avaler.

Le scénario syrien est en fait un remake de la pièce jouée en Irak en 2006 et en Libye plus récemment. Le modus operandi est identique : réformer de l’extérieur en soutenant les réformateurs de l’intérieur et en surfant sur l’authentique soif de liberté des Syriens en butte à un régime liberticide et répressif. Cela peut se concevoir. Mais imposer manu-militari ces réformes au risque de transformer le pays en un véritable enfer est criminel. Les jardiniers de l’enfer sont tous ceux qui, par leur courte vue et la poursuite de leurs intérêts immédiats, ont délibérément tué dans l’œuf la mission de paix de Kofi Annan.

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Saddam Husseïn a fini pendu après un semblant de procès.

La boîte de Pandore est entrouverte, et bien malin celui qui pourra nous dire ce qui en sortira. Mais de grâce, n’envoyez pas demander pour qui sonnera le glas. Il sonnera pour nous.