Lettre ouverte d’un ancien officier supérieur de l’armée nationale au président de la république pour la réduction des émoluments et privilèges du chef d’Etat.

Par Béchir Turki*


 

Monsieur le président, vous le savez mieux que quiconque, notre beau pays est malade. Vos électeurs attendent que vous vous portiez à son chevet. Muselée et saignée à blanc durant cinq décennies, la Tunisie, nous l’espérons, retrouvera sa santé et sera remise sur la voix d’un nouvel essor.

Permettriez-vous, monsieur le président, de vous présenter humblement deux requêtes: le première est relative au responsable de nos malheurs, la deuxième concerne le maître-tailleur, préparateur de lois sur mesure destinées à permettre au ci-devant prince de commettre dans l’impunité toutes sortes de turpitudes. J’ai nommé Zine El Abidine Ben Ali et Foued  Mebazaâ.

Le premier est inculpé depuis plus de dix mois. Notre attente du prononcé de la sentence risque d’être très longue parce qu’il me semble qu’on a oublié l’essentiel: l’inculpé est un militaire qui porte le grade de général de brigade. Il doit, par conséquent, comparaitre devant un tribunal militaire.

Pour avoir déserté son poste et déshonoré ainsi nos armées d’une part, et d’autre part, de s’être abaissé aux pires ignominies, il doit être cassé de son grade, radié des registres des effectifs de réserve et interdit de médailles. Tel est le règlement militaire.

Le deuxième cas est à la fois plus simple et  plus délicat. Fouad  Mebazaâ, promu pour l’éternité président de la Chambre des députés, a convenablement accompli la mission essentielle qui lui avait été confiée: modifier la constitution et bien ficeler les articles qui assureront une immunité à vie au président de la république, d’une part, et veiller, d’autre part, à ce que les lois déterminent ses émoluments et sa retraite soient claires, brillantes et indiscutables.

Or, au lieu d’enterrer ces lois monstrueuses au lendemain du 14 Janvier 2011, Foued  Mebazaâ, hissé président de la république par intérim, en a au contraire grassement profité, et même, il s’est attribué un plus.

Ne se contentant pas du salaire faramineux fixé par la liste civile, l’intéressé, sous prétexte qu’il n’a pas emménagé au Palais présidentiel de Carthage, s’est fait servir une indemnité de logement fort copieuse. Cela est intolérable, car il entérine l’adoption des lois scélérates alors qu’il fallait combattre les racines de la corruption. Il serait juste d’inviter Foued  Mebazaâ à se contenter de son indemnité de président de la Chambre des députés et à reverser au trésor public le surplus moralement indument perçu.

De même qu’il serait juste que vous invitiez la Constituante à annuler les lois qui fixaient les salaires insultants et avantages en nature servi à Ben Ali et à instituer des émoluments honnêtes aux ministres, au président de la Chambre des députés, au Premier ministre et au chef de l’Etat.

Le régime de vie de ceux qui nous gouvernent doit être en harmonie et en symbiose avec celui des citoyens et en fonction des possibilités budgétaires de la Tunisie.

A notre époque, l’ère des rois et des empereurs est révolue. Dans une république, tous les privilèges sont abolis. Le président doit renoncer à continuer à occuper des palais et vivre au milieu d’une cour obséquieuse. Si vraiment il fait preuve d’un patriotisme sincère, vivre son époque et assurer le bonheur de notre société, il doit résider chez lui, conduire sa voiture, refuser l’usage de cortège pompeux lors de ses déplacements et une protection par des unités spécialisées. Il doit percevoir un salaire équivalent à celui d’un haut cadre tel un grand magistrat ou un grand professeur. Le budget de la présidence doit être laminé au profit des besoins de notre peuple, pour ne plus faire appel aux aides et prêts étrangers, et ainsi garantir notre indépendance.

Dans l’attente que les présentes requêtes trouvent un écho favorable, suivi de décisions audacieuses et révolutionnaires, veuillez agréer, monsieur le président, mon profond respect.

Ingénieur en détection électromagnétique (radar), breveté de l’Ecole d’Etat Major de Paris. Auteur de ‘‘Ben Ali le ripou’’ et ‘‘Eclairage sur les recoins sombres de l’ère bourguibienne’’.

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