Tous les hommes politiques responsables ainsi que la société civile, soucieux de l’avenir de la Tunisie, sauront bientôt que le seul moyen pour sortir la Tunisie du danger, c’est de se mobiliser derrière Béji Caïd Essebsi.

Par:Rachid Barnat


Ce samedi 16 juin, Béji Caïd Essebsi a donc lancé son mouvement l’Appel de la Tunisie et annoncé sa candidature. Son discours clair met bien en évidence les problèmes qui se posent au pays.

Il a critiqué le gouvernement et son laxisme face aux exactions des salafistes, la frange extrémiste du parti Ennahdha, qui domine la troïka, la coalition tripartite au pouvoir. Comme il a rappelé la responsabilité de la troïka dans les derniers événements de la Marsa qui ont failli mettre à feu et à sang le pays pour raison d’atteinte au sacré à travers des œuvres artistiques que personne n’a vues à la Marsa; et pour cause, les œuvres montrées du doigt étaient à Dakar!

Ce qui le fait préciser à ces autoproclamés défenseurs du sacré que ce n’est pas parce que la Tunisie s’appelait Ifriqiya, qu’ils se croient obligés de régler les problèmes de l’Afrique toute entière!

Il rappelle que ces trois présidents se sont fendus d’un communiqué commun, grave pour dénoncer l’atteinte au sacré! Il trouve choquant que les chefs de la «troïka» se soient émus au point de mettre le feu au pays pour une raison fictive! Il est probable nous dit Caïd Essebsi qu’ils furent trompés par leurs ministres zélés de la Culture, de l’Intérieur et celui des Affaires religieuses qui ont condamné des œuvres pour atteinte au sacré, qu’ils reconnaissent n’avoir jamais vues! Même le malin Lotfi Zitoun tentera vainement de trouver une sortie honorable pour ses collègues et sauver la face de Ghannouchi en s’improvisant critique d’art pour trouver dans certaines œuvres exposées de quoi justifier la condamnation pour atteinte au sacré! M. Caïd Essebsi attend qu’ils présentent leurs excuses aux Tunisiens!

Ils défendent le sacré, mais pas le drapeau national

Faut-il rappeler que le prétexte d’atteinte au sacré n’est pas nouveau. Cette méthode a déjà été utilisée par Ennahdha à propos du film ‘‘Ni dieu ni maître’’ (devenu ‘‘Laïcité Inchallah’’) de Nadia Fani puis pour ‘‘Persépolis’’, un dessin animé diffusé par la chaîne Nessma TV, pour que Ghannouchi puisse se présenter comme le défenseur du sacré en Tunisie.

Ce que M. Caïd Essebsi conteste en disant que les Tunisiens sont musulmans depuis des siècles et n’ont nul besoin de qui que ce soit pour leur dicter leur foi comme ils n’ont mandaté personne pour défendre le sacré ni leur foi !

Ce qui choque l’ex-Premier ministre, c’est que les symboles sacrés de la nation que sont notre drapeau tunisien et notre hymne national n’ont pas été défendus par le pouvoir en place qui semble s’en désintéresser.

Il rappelle qu’il est du devoir du gouvernement de veiller à la sécurité du citoyen et de ses biens. Ce à quoi il a manqué en laissant les violences s’installer en n’usant pas de la violence régalienne qui est la sienne, en mobilisant sa police! Et c’est là la différence essentielle entre lui et Ennahdha qui domine la troïka. Ces hommes n’aiment pas la nation tunisienne, dit-il! Ils veulent dissoudre la nation tunisienne dans un dangereux panislamisme pour l’un ou dans un panarabisme aventureux, pour l’autre. Comme ils veulent détruire tout ce que les Tunisiens ont construit patiemment ensemble depuis l’indépendance. Au point que notre auguste Zitouna n’est plus reconnaissable: ses imams délaissent le malékisme que d’illustres cheikhs ont servi pour un wahhabisme invasif!

La supercherie de Ghannouchi et de ses hommes

D’ailleurs Béji Caïd Essebsi trouve grotesque les discours des hommes d’Ennahdha toujours truffés de références à la révolution comme s’ils voulaient se l’approprier et affirmer qu’ils en étaient les instigateurs ! Ce qui est une supercherie de Ghannouchi et de ses hommes. Alors qu’aucun d’eux n’a fait, ni participé à la révolution tunisienne. Ni aucun parti n’y a participé, lui non plus, rappelle-t-il !

La révolution n’a pas été faite par les hommes d’Ennahdha ni pour eux, puisque ce sont les jeunes qui ont été à son origine et pour cela ils n’avaient ni leaders ni programme idéologique ou religieux, mais ils ont été très vite joints par l’Ugtt et par l’Ordre des avocats. Il faut donc que les islamistes cessent de nous faire croire qu’ils sont les auteurs de cette révolution pour se donner le privilège d’en être les gardiens légitimes. Chevaucher une révolution à laquelle ces hommes n’ont pas participé est une escroquerie intellectuelle.

Pour finir M. Caïd Essebsi rappelle que la seule légitimité de ce gouvernement provisoire, il la détient des constituants qui ont sorti de leur rang ses membres; et que cette légitimité n’est pas illimitée, puisqu’un engagement écrit leur donne un mandat n’excédant pas une année pour rédiger une constitution!

Au-delà, ils n’ont plus aucune légitimité. Par ailleurs, Béji Caïd Essebsi rappelle que la légitimité des urnes n’exempte pas les constituants, dont les membres du gouvernement provisoire, de la critique! C’est ça la démocratie, rappelle-t-il.

Loin des discours de haine et de division

J’ai pris plaisir à écouter Caïd Essebsi. Dans la salle, il a réussi à faire rire et à émouvoir nombre de Tunisiens qui ont apprécié qu’il se soit exprimé dans la langue de chez nous, avec des expressions populaires qui fleurent bien le terroir. Ils ont retrouvé en lui le style et l’humour qui font le charme de ce pays et de ses habitants loin des discours de haine et de division que l’on a trop souvent entendus ces derniers mois.

En un mot Caïd Essebsi s’est montré un vrai Tunisien, soucieux de l’avenir de son pays et de son indépendance. Il est indépendant de toute idéologie étrangère qu’elle soit islamiste ou panarabiste. Il est et veut rester Tunisien !

Les perspectives qu’il ouvre me semblent devoir satisfaire beaucoup de Tunisiens soucieux de ne pas voir leur pays s’enfoncer dans la régression économique, sociale et culturelle.

Béji Caïd Essebsi appelle au rassemblement de tous les Tunisiens qui partagent les 9 grands principes suivants:

- l’attachement à l’Etat;

- le maintien intégral de l’article premier de la Constitution de 1959;

- le maintien du drapeau national et de l’hymne officiel;

- la préservation des acquis de la nation depuis l’indépendance et notamment le Code du statut personnel;

- l’affirmation de la citoyenneté comme un mode de vivre ensemble;

- l’affirmation de la démocratie;

- l’instauration de la justice sociale à travers un développement régional équitable;

- la condamnation de la violence; et

- le bannissement de toute exclusion.

Aux réserves qui ne manqueront pas de s’exprimer, il faut rappeler aux Tunisiens qu’en politique, l’«homme parfait» n’existe pas! Les sceptiques devraient méditer, en ces temps incertains, ce proverbe: «Le mieux est l’ennemi du bien».

Car à oublier l’essentiel, ils iront une nouvelle fois à l’échec. Si les islamistes sont de nouveau élus en mars 2013 et donc indiscutablement confortés, il faut être conscient qu’ils seront au pouvoir pour des années et qu’ils créeront dans le pays des dommages irréparables.

Pour en finir avec les dérives de tous les obscurantistes

Que reproche-t-on à Béji Caïd Essebsi?

On nous dit qu’il est trop âgé et qu’il faut au pouvoir des hommes et des femmes jeunes qui représentent l’avenir. En effet, c’eût été préférable si un homme ou une femme avait pu émerger et unir toutes les forces politiques et la société civile. Force est de constater qu’aucun leader n’est dans cette position et que seul Caïd Essebsi peut, si on favorise son entreprise, faire une large union absolument nécessaire pour battre dans les urnes Ennahdha et ses comparses.

Par ailleurs, l’âge de Caïd Essebsi est plutôt une chance. D’abord parce qu’il a une sagesse certaine comme l’ont montré ces prestations aux débats télévisés auxquels il a participé et surtout parce que, compte tenu de son âge, il n’y a pas de risque qu’il se maintienne au pouvoir. Il assurera seulement la transition. Et lorsque le danger d’une dérive extrémiste religieuse sera écarté, les hommes politiques pourront reprendre leur combat légitime. Autrement dit, il y a une urgence et une nécessité: éliminer démocratiquement les extrémiste religieux du pouvoir! Et pour cela, Caïd Essebsi est indiscutablement le mieux placé.

On lui reproche aussi d’avoir servi sous Bourguiba et d’avoir été un ministre de l’Intérieur qui aurait utilisé des méthodes contestables à l’égard de ses adversaires.

Cet homme a évolué. Il n' y a que les imbéciles qui ne changent pas. Il n’est plus tributaire d’un chef comme le fut l’autoritaire Habib Bourguiba. Je le crois sincère de vouloir instaurer une réelle démocratie en Tunisie. De toutes les façons, ce ne sont pas Ghannouchi et ses hommes qui le feront! Et malheureusement, face à eux c’est le vide politique d’une opposition dispersée en une multitude de petits partis et de petits égos.

C’est pourquoi je fais confiance au rassembleur et charismatique Caïd Essebsi.

Les partisans d’Ennahdha qui contestaient en petit nombre son initiative, manifestaient devant le Palais des Congrès avec pour unique argument : «Rcdistes», lancé comme une insulte.

C’est un argument de circonstance, un slogan ! Car le Rcd a bel et bien disparu et il est clair qu’il ne revivra pas. Même ceux des Tunisiens qui ont été, pour des raisons diverses, Rcdistes, savent que le retour à la pratique d’un tel parti est impossible. Alors, ne nous laissons pas aveugler par cette sorte de chiffon rouge qu’agitent les islamistes et qui est, en réalité, un moyen pour eux de demeurer seuls sur la scène politique. Caïd Essebsi, qui est contre la punition collective, admet qu’il ne faille exclure personne dès lors que son cas ne relève pas de la justice. Ce qu’il dit, Ghannouchi le fait déjà puisqu’il a bel et bien intégré dans son parti des anciens du Rcd. Alors pourquoi tant d’hypocrisie?

Les Tunisiens ne toléreront plus le recours aux anciennes méthodes, ce que Caïd Essebsi sait fort bien si tant est qu’il ait une telle tentation.

Je dirai aussi que son expérience ministérielle et celle de Premier ministre sera très utile lorsqu’il faudra lutter contre la résistance aux résultats des élections que ne manqueront pas de susciter Ennahdha et ses acolytes salafistes. Qui peut être assez naïf pour penser qu’il ne faudra pas des hommes à poigne à la tête de l’Etat, décidés à en finir avec les dérives de tous les obscurantistes?

Choisir entre l’obscurantisme salafiste et le progrès

L’échéance du 23 mars 2013 et les prochaines élections sont un moment absolument crucial dans la vie de la Tunisie; et sans grandiloquence inutile, le destin du pays se jouera à ce moment là.

La Tunisie est à un point de son histoire où elle doit faire un choix fondamental entre l’obscurantisme salafiste et le progrès! Il faut choisir !

Or tout ce qui peut faire barrage à l’obscurantisme des salafistes-wahhabites est bon à prendre ! 
Faire la fine bouche devant un tel danger pour ergoter sur le passé de Caïd Essebsi n’apporte rien sinon que de laisser se propager le cancer salafiste dans toute la Tunisie!

Tout le reste n'est que bavardage stérile.

Le choix sera, en réalité, très simple et très clair: ou bien la Tunisie souhaitera continuer avec Ennahdha et vivre ce qu’elle vit en ce moment, aggravé probablement dans la mesure où les islamistes se verront confortés par le vote; ou chasser Ennahdha du pouvoir par les urnes pour installer un pouvoir civil, respectueux des libertés et de la démocratie.

Or pour qu’en effet ce choix clair puisse s’effectuer, il faut qu’il existe un très fort rassemblement derrière un nom. L’émiettement des partis et des candidats : on sait où cela a déjà conduit le pays.

Ce rassemblement fort derrière une personnalité, il est clair qu’il ne peut avoir lieu que derrière Béji Caïd Essebsi et que tout autre chemin serait illusoire et très dangereux pour le pays.

Tous les hommes politiques responsables ainsi que la société civile, soucieux de l’avenir de la Tunisie, leurs réflexions les amèneront à accepter ce schéma, seul capable de sortir la Tunisie du danger: se mobiliser derrière Béji Caïd Essebsi.

Que les Tunisiens délaissent donc pour un temps leurs divisions et garantissent leur avenir et celui de leurs enfants. Il sera temps, après cette période cruciale, de reprendre chacun dans son camp les combats politiques.

Les mener maintenant, serait tout simplement suicidaire.

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