Imprimer

Nulle part au monde jamais l’art ne fut complètement bâillonné même sous les pires dictatures. Mieux encore, les dictatures sont un formidable terreau pour la créativité. Les extrémistes religieux ne l’ont pas compris.

Par Walid Alouini*


Il est triste que dans une période où la Tunisie a besoin d’une mobilisation de toutes ses ressources pour faire face aux défis économique, social et sociétal, nous en soyons réduits à parler d’une poignée de puceaux hirsutes téléguidés par des sectes pour nuire à notre pays. Car il ne faut pas se tromper et ne pas hésiter à dire les choses.

Ces actes dont se rendent coupables ces barbus agressifs et à la rhétorique bien médiocre sont des actes de haute trahison. Ils portent atteinte à l’ordre général, détruisent des biens publics avec l’intention délibérée de faire peur et de nuire à l’image de ce pays dont les ressources fondamentales se trouvent menacées par ces actes odieux.

«Veux tu que ton fils se marie à un homme?»

Curieux de comprendre la structure cérébrale de ces mutants, je suis allé écouter leurs «slogans» et «arguments» devant la municipalité de La Marsa, où ils se sont rassemblés le week-end dernier.

Le tableau est risible de prime abord, je dirais même baba cool. Caftans gris, tong et chaussettes, barbes sauvages et pancartes illisibles et incompréhensibles. N’eut été l’agressivité et les grimaces de ces personnes, on se serait cru en 68 avec les mêmes abus vestimentaires et pileux.

Le premier à qui j’ai demandé la cause de leur rassemblement m’a lancé en plein visage :

- Veux tu que ton fils se marie à un homme?

- Ou que ta fille se marie à une femme?, a surenchéri un adolescent caftanisé.

Ils ont par la suite vomi les manifestations culturelles qui fleurissaient un peu partout dans le pays en invoquant Satan, en parlant d’un drapeau gay qui aurait été affiché pendant une exposition artistique dans les rues de La Marsa, etc.

L’extrême médiocrité de l’argumentaire vomi avec beaucoup de haine vis-à-vis de ma cravate jaune m’a fait tourner les talons.

J’ai compris que ce qui était dans leur collimateur c’était l’essor culturel qui commençait à se dessiner en Tunisie.

Pourquoi ont-ils peur des artistes?

Cette poignée barbue est manipulée par des gourous, souvent présents dans ces micro-rassemblements, qui n’ignorent pas l’Histoire.

Ils savent que la pré-renaissance italienne a préfiguré le trecento, puis la renaissance de l’Europe entière qui s’est répandue comme une trainée de poudre.

Ils savent aussi que cette renaissance a été initiée par des artistes libres de créer et d’inventer de nouvelles formes d’expression.

Ils sont donc focalisés à l’intérieur du pays sur les débits de boissons alcoolisés et à Tunis, en particulier La Marsa, sur l’essor culturel? En ligne de mire le printemps des arts qui sera cette année un formidable rassemblement de quarante sept artistes.

Nous ferons de cet événement culturel un succès retentissant, ce sera notre sit-in à nous !

Il est risible de constater que nulle part au monde jamais l’art ne fut complètement bâillonné même sous les pires dictatures. Mieux encore, les dictatures sont un formidable terreau pour la créativité.

Cette tentative ridicule et suicidaire de la part de la branche «malade» du parti religieux au pouvoir n’est qu’un baroud d’honneur qui ne fera qu’accélérer la chute d’un gouvernement qui n’aurait jamais dû voir le jour.

Car sachez que la société civile avance à pas feutrés, que notre renaissance est amorcée et que personne désormais ne nous la confisquera. Entre le moyen-âge et l’avenir que nous construisons nous mêmes notre choix est fait.

Même vos supporters les plus fervents déchantent, messieurs les barbus en soutane tong chaussettes. Si vous pensez drainer les foules avec une vitrine aussi peu reluisante et un discours aussi débile, c’est que vous avez une bien piètre idée des femmes magnifiques de ce pays et des hommes qui sont restés debout.

Nous allons croiser le fer, nul doute.

Le nôtre se fabrique dans la pensée, la création artistique et littéraire, la création de valeur et de richesses et la liberté de conscience.

Liberté est notre maitre mot.

Le vôtre puise dans un passé victorieux fait par des hommes qui ne seront jamais plus, dans une optique réductrice et dévalorisante, destructrice des ressources humaines et de valeur.

Asservissement est votre credo.

Qui aura le dessus?

Relisez l’Histoire et vous le saurez!

* Managing Director.